La Camera Obscura

Batman contre le bien et le mal.

Triologie Batman de Christopher Nolan

« La seule manière de vaincre le terrorisme est de l’arrêter, de l’éliminer, et de le détruire à la racine. »

Il est certain que si l’Amérique est le seul et unique créateur des superhéros, et elle le revendique plutôt fièrement, cela est pour une raison bien particulière.

Bruce Wayne, c’est-à-dire Batman, homme au double jeu qui ne l’oublions pas hérite de l’entreprise Wayne, la plus riche, et la plus puissante de tout Gotham City, décide de faire un pacte avec la morale pour protéger son cher Gotham, quintessence de la ville américaine, ce pacte est assez paradoxal, c’est bien entendu un pacte séparateur entre ce qui est le bien, et ce qui est le mal. Car sa très chère mégapole dont il est entre autres le roi, grouille de rats, et c’est ces mêmes rats, cette “pègre” qui a assassiné ses parents. Il s’agit donc de faire un face à face avec ses peurs, ses démons, mais surtout son profond désir de vengeance, sa souffrance, et son responsable, c’est-à-dire le mal. La prise de position de Bruce Wayne, perdu après le meurtre de ses parents, se manifeste lorsqu’il est confronté à Ras Al Gul son mentor : “Je cherche comment combattre l’injustice, de retourner la peur contre ceux qui ciblent les masses apeurées.” Pourtant ce même Ras Al Gul, demande une fois l’initiation de Bruce passée, de tuer de sang-froid un simple paysan criminel, car “Le criminel se nourrit de l’indulgence de la société”. C’est ainsi que face à ce qu’il lui semble être le mal incarné, il décide de trancher dans la réalité pour une véritable Justice, du moins ce que sa conception de la justice est… Attention à la pensée tiers exclus sur ces phrases. Je ne remets évidemment pas en doute ni l’existence du mal, ni du chaos, ni de l’esprit de destruction. J’essaie plutôt de penser comment la corruption peut s’emparer d’esprits qui se croient justes et qui font l’erreur du choix univoque, ce que Bruce Wayne est convaincu de ne justement pas faire…

Cette distinction appuyée de saint moraliste du bien, on peut l’entendre sourdre dans le prêchiprêcha de cette hystérie collective qu’est l’Amérique et son fameux rêve américain qui a toujours lieu (car n’oubliez pas que ce peuple expatrié a tué de sang-froid les racines qui composent sa terre ce qui explique peut-être sa volonté à s’aveugler, à dénigrer, moralement), par exemple dans ce dialogue du début de Batman Begins lorsque le jeune Bruce Wayne pose des questions à son père dans le métro, qui répond aussitôt que “la ville souffre des gens moins chanceux et fortunés que leur famille”, alors tel un héros, le père Wayne “a construit un métro bon marché pour unifier la ville avec au centre la tour Wayne.” De plus “Il travaille à l’hôpital”. C’est donc une bonne personne qui aide les gentils, qui se bat contre les méchants : la pègre. On pourrait même dire que Wayne est la personnalisation imagée de la petite moraline américaine tout droit issue de l’excès de délire Disneylandien… Comme une sorte d’acte désespéré pour faire face aux démons irrationnels de la vie réelle, le refus de la pleine réalité, de la totalité, de l’unité, s’opposer, et s’arranger dans l’opposition, telle est la “vérité” de Bruce Wayne l’Américain (parfait), le bon chrétien.

Effectivement la question du bien et du mal (moralement considérée) ne se situe en aucun cas entre le bien et le mal, aussi paradoxal que cela puisse paraître, mais bien plutôt dans la conséquence que le choix ainsi prononcé va provoquer comme scission dans l’unité des choses. L’histoire de Batman au fond est une histoire de paradoxe et sa conjonction ratée. Bruce Wayne veut être un homme bon, il veut sauver le monde et se battre pour le bien, mais savons-nous seulement ce qu’est le bien ? Pour qui nous prenons-nous pour d’avance, nous avancer et prêcher la vérité absolue, apporter l’évangile, ce qui est bon pour nous-mêmes et les autres ? C’est ainsi, emmêlé dans l’esprit du temps, profondément matérialiste, au lieu de considérer avec attention les paradoxes, que Bruce Wayne tombe dans le piège concrétiste de prendre tout à la lettre, pour trancher dans Gotham avec une position politique particulière, et surtout fixe qui ne change pas (non dynamique). C’est en effet le contraire d’une attitude tiers inclus qui tient compte de la dynamique de la réalité du fait qu’elle considère les phénomènes d’actualisation et de potentialisation, comme le démontre Lupasco : “A ou non-A ne peut jamais qu’être potentialisé par l’actualisation de A ou non-A mais non pas disparaitre afin que soit non-A, soit A, puisse se suffire à lui-même dans une indépendance et donc une non-contradiction rigoureuse — comme dans toute logique, classique ou autre, qui se fonde sur l’absoluité du principe de non-contradiction.” Ce qui est entre autres, la caricature de la politique d’aujourd’hui, un entremêlement où chaque complexe se retrouve encagé et donc engagé pour promouvoir l’univocité de cet encagement dans des “valeurs politiques” tellement externalisées qu’elles perdent leur vrai sens psychique, que chaque partie défend comme si l’âme de l’homme s’était déchirée, éparpillée (par projection) entre plusieurs personnes, et que de cette fracture, de droite, de gauche, de vert, et d’autres couleurs, il ne devait en rester qu’une. Ce qui est sur le plan de la dynamique énergétique et leur équilibre psychique et instinctif, un acte totalitaire contre cette dynamique même. Qui de part sa dynamique même enclenche une nouvelle dynamique contradictoire de compensation par actualisation et contre-potentialité. Phénomène typique de l’occident et de sa société des pères. Le féminisme est bon exemple d’encagement unilatéral d’un complexe. Le problème du féminin relégué à un corps uniquement social, celui des femmes, alors qu’il se cache ici la grande question du féminin et aussi de la place du maternel dans l’être humain, et donc seulement plus tard, de la société. L’amérique n’est elle pas la caricature extrême de l’occident ? Occident qui du christianisme, est passé à une science qui veut se “rendre comme maîtres et possesseurs de la nature” (Descartes). Cette maladie de l’action occidentale face aux émotions, aux instincts, et finalement à tout l’univers de l’irrationnel si vacillant, dont il ne peut prendre le contrôle, en résulte dans son “génie” de vouloir encore une fois s’empêtrer dans l’unilatéralisme de se renforcer dans son action, pour externaliser son prêchiprêcha moral, pour en faire des campagnes de préventions, qui sont censées éduquer la masse et lui montrer clairement si cette partie d’âme est bonne, ou mauvaise… Il faut aussi préciser que la politique de l’équidistance, c’est-à-dire de trancher en nivelant, est tout aussi totalitaire, que de prendre parti, car elle est prise de partie sur le réel (dynamique) qui se retrouve donc nivelé.

Bien que la politique d’aujourd’hui n’est plus si univoque qu’elle a pu l’être, il faut tout même être très prudent face à l’intelligence dialectique qu’elle recouvre, elle l’est en fait bien plus qu’elle n’y parait. Cette manière matérialiste, utilitariste, de voir les choses, obstrue significativement la considération sur la réalité des affects pulsionnels, et toute cette vie intérieure qui est logiquement aussitôt étouffée par l’intellect qui essaie d’absorber l’esprit et tout ce qui le dépasse pour le formaliser (le manipuler, le contrôler).

« Les — ismes politiques et sociaux de notre temps prêchent, certes, tous les idéaux possibles, mais poursuivent sous ces apparences trompeuses un but qui est d’abaisser le niveau de notre civilisation en restreignant, voir en annihilant purement et simplement les possibilités d’épanouissement individuel. Ils le font en partie en produisant un chaos maîtrisé par la terreur, un état primitif, donc, qui ne concède plus qu’une possibilité de simple survie; un état pire que les pires époques de “ténèbres” du Moyen Age. Il reste encore à savoir si de l’expérience d’un asservissement déshonorant naîtra un jour une plus grande aspiration à la liberté de l’esprit. » (C.G. Jung)

Bruce Wayne est cet illustre personnage s’étant fait tellement bourrer le crâne par le christianisme (moral) qui confronté à un problème d’ordre éthique face à l’être, la responsabilité humaine devant l’univers, c’est-à-dire au fond l’expérience de la conscience, croyant penser par lui-même, ne sait que ressortir sur la table sa sempiternelle psychologie de perroquet, simple répétition de son surmoi, tout droit issu du complexe paternel, la loi du père (le patriarcat), et ainsi justice sera faite, justice sera tranchée, appliquée, ainsi sera “totalitarisé” ce que sa soi-disant perception du réel trouve, ce qui est juste, et ce qui est bien, ainsi la nouvelle table des lois sera instaurée. C’est-à-dire au lieu de considérer le problème en terme dynamique, il le considère en terme statique, d’exclusion, soit vrai, soit faux. Il y a les bons, il y a les méchants, les méchants vont dans la boite “méchants”, et les gentils dans la boite “gentils”, de ce fait l’extermination des méchants est tout aussi extrémiste que l’extermination des gentils. La vraie question est pourquoi les “méchants” en veulent tant aux “gentils”, qui face à l’acte terroriste de leur prétendue bonne société, semblent se perdre dans un gouffre d’incompréhension sans queue ni tête, autant dire qu’ils sont totalement inconscients de la fracture schizophrénique qu’ils ont eux-mêmes produite sur l’ordre des choses.

L’acte terroriste n’est-il pas au fond la fin de l’externalisation en urgence d’affects trop longtemps retenus qui ne peuvent s’adapter à un ordre établi ? Mais pour comprendre ce danger explosif, cette dynamite cachée, cet acte au fond desespéré cachant une urgence d’une violence inouïe, qui semble être munie d’un minuteur ne voulant s’activer que dans les périodes les plus calmes. Si l’on regarde attentivement la phénoménologie par cycle d’une société, chaque civilisation commence toujours par un acte d’imagination extrêmement puissant, c’est-à-dire chamanique, religieux, ainsi l’imaginaire structure notre société jusqu’à son essouflement, puis sa magie devient aussi sèche et aride qu’un désert, c’est-à-dire entièrement morte, entièrement desséchée de tout dynamisme, et d’imagination, pour devenir entièrement dogmatique. Voilà l’esprit prêtre, qu’il soit scientifique, moraliste, théologique, philosophique, littéraire, universitaire, peu importe. Il s’obstine à marmonner dans sa barbe la décadence de sa profonde dissociation avec la racine, il sermonne et rassure avec des actions extérieures son idéologie sèche, pour s’assècher lui-même et faire fixe sa position, le questionnement devient ainsi procédure terminée. C’est dans ces moments qui paraissent les plus silencieux de toute civilisation, le moment où l’on pourrait dire que nous avons enfin éliminé la pègre, que le diable, c’est-à-dire la partie manquante de l’unité revient toquer à la porte de ceux qui ont trop longtemps cru savoir en étouffant.

Ce type de comportement moral, ce type d’univocité logique, c’est-à-dire au fond une prédominance de la volonté (enfermée sur elle même), de l’égo qui n’a comme horizon, uniquement lui, et qui de l’autre, le mystérieux autre, d’une certaine manière le plus étranger des autres, l’abyssale inconnue, le nègre… Le juif… Le méchant Alien… C’est-à-dire l’inconscient projeté, le perturbe tellement qu’il ne voit comme solution que l’éradication et le contrôle, c’est-à-dire encore plus de moi. Et pourtant ce n’est pas les évènements historiques qui nous disent le contraire, chaque fois qu’un comportement moral essaie d’étouffer une composante instinctive fondamentale de la Psychée, c’est-à-dire de l’ordre de l’être, comme la négation même d’un type de personne, une race… (Aussi dégoutant que ce mot puisse sonner), il renie une partie de lui même, et de ce fait, provoque une scission, une faille qui va déclencher la compensation énergétique inverse de cette chose, son ombre.

« Les nazis ont traité les juifs d’avides d’argent, séduisant et souillant toutes leurs femmes, et aspirant au pouvoir mondial. […] Toutes ces choses dont ils accusent principalement les juifs sont exactement ce qu’ils faisaient. » (M.L. von Franze - The Way of The Dream)

Bien entendu ce cheminement des phénomènes, étant énergétique se retrouve absolument partout. La parole n’étant au fond que l’extraversion énergétique de certains complexes, le psychique se retrouve donc dans le langage, qui est son externalisation (de ce qui anime, du fond). Nous sommes donc qu’on le veuille ou non, au sein même de l’intrication, qui elle, est tout, de ce fait, on ne peut aborder cette intrication seulement par le soulignement de certains éléments ou phénomènes reléguant ainsi dans l’oubli les autres, aussi infinis soient-ils, on ne peut pour dialoguer que se positionner dans les mots, témoignant ainsi à quel point la matière et l’esprit sont bien deux choses différentes, on ne peut donc pas dire l’entière unité des choses sans passer par des formulations dialectiques de plus en plus compliquées, et pourtant comme Lupasco le souligne lui-même, et comme l’époque voudrait le négliger, l’évidence absolue qui est rejetée, n’est-ce pas la dialectique, l’échange, le mouvement énergétique, c’est-à-dire la vie même ? Serait-ce donc contre la vie qu’une certaine idéologie de perroquet voudrait s’opposer ?

« Notre expérience courante, familière, pragmatique se déroule à travers un écran logique, en grande partie verbal, où les actualisations infinies sont postulées inconsciemment, non seulement comme possibles, mais comme effectuées à chaque pas et à chaque instant, pour ainsi dire. Nous avançons comme d’infini en infini, au moyen de ces jugements et de ces formes et symbolisations linguistiques pragmatiques, où une non-contradiction idéale rigoureuse confère une absoluité et une indépendance apparentes à tout’acte ou événement logique et à toute représentation, par là, de n’importe quel fait, quel phénomène, quelle loi. C’est là ce qu’on pourrait appeler une macrologique, une logique utilitaire à grosse échelle, qui réussit plus ou moins, pratiquement.

[…] Quand je dis : je vais bien, je sais que c’est là un jugement relatif, parce qu’il y a toutes sortes de nuances contradictoires ou de possibilités pour que je n’aille pas très bien; le jugement : je ne vais pas bien, est là en suspens, virtualisé plus ou moins, mais ne disparaissant jamais. Sur ce point, tout le monde donnera raison à notre logique du contradictoire. Mais au sujet de n’importe quelle expérience, du moment que j’énonce un jugement, j’énonce par la même le jugement contradictoire et je n’ai aucune possibilité logique de l’anéantir, mais seulement de le virtualiser plus ou moins. Et ce n’est pas l’expérience qui m’offrira cette possibilité. »

En vérité, Bruce Wayne ne fait que capturer la phénoménologie des mouvements de vie dans l’emprisonnement pour stopper Ras Al Gul qui lui au contraire voudrait accélérer le retournement de cette société, son contraire donc. Il faut comprendre qu’à force de vouloir éteindre les feux, on ne fait qu’agrandir leur menace (car les feux ont une signification, un sens), de la même manière qu’en refoulant un complexe, on ne fait que renforcer l’énergie en lui, pour qu’il ressorte plus tard toujours plus fort, et surtout de manière entièrement autonome vu qu’il perd tout lien avec la conscience, ce qui ne fait qu’agrandir la dissociation et le jeu bipolaire entre ces énergies toujours plus démoniaques, toujours plus instinctives et de moins en moins humaines et conscientes. Cela se voit bien entendu dans la société, même dans des évènements minimes, comme certaines personnes s’obstinant nuit et jour à éradiquer la présence quotidienne de cauchemar, en éteignant le feu qui n’était qu’un signal de détresse, elles tombent quelques années plus tard, dans la plus grande tristesse devant la révélation qu’une terrible maladie vont les assiéger dans les années qui viennent (combien d’ailleurs de films reprennent cette idée pour montrer qu’à travers cette tragédie s’offre un retournement, une nouvelle vie). C’est bien entendu un exemple extrême pour illustrer la conjonction des contraires et de polarité énergétique dont on ne veut délibérément pas trouver de conjonctions, mais plutôt renforcer leur opposé énergétique, comme deux animaux, qui seraient voués à la haine réciproque jusqu’à l’éradication totale…

Justement, ce comportement animal, ces extrêmes opposés, c’est de cette fissure qui par séparation identitaire, s’opère dans les cerveaux des schizophrènes qui hantent les asiles comme celui de Batman : “L’Asile d’Arkham” où finalement l’on retrouve tous les éléments de la nature refoulée par Batman et Gotham City (qui ont malheureusement accepté l’identité que l’on a projetée sur eux) qui par leur mystère et leur aura de peur ombreuse, menacent, car ils n’ont plus rien à perdre, pour prendre la place du roi Bruce Wayne. Ainsi se concrétisent les cycles de décadence d’une société, où d’une part nous avons la police du monde représentée par Wayne qui veut éradiquer la pègre, et cette “pègre” trop longtemps refoulée n’ayant plus rien à perdre tombe dans le même piège que Batman, en voulant tout faire sauter. On a donc A et Non-A qui veulent se mettre l’un sur l’autre, et cela à travers les siècles et des siècles… La conjonction “réussie” entre deux forces est bien entendu un état tiers inclus (caché) de contradiction qui provoque un dynamisme vivant, cela s’appelle la conscience, ce qui nous le savons n’arrive pas dans Batman, ce qui promet un avenir plein de bonheur et de prospérité en Amérique. Il faut donc comprendre Ras Al Gul comme le signal, un déclencheur, pour qu’un changement s’opère, sous peine de trop grande explosion révolutionnaire (ou terroriste).

Il y a dans la mise en scène de ces personnages quelque chose de très inhumain qui en ressort, c’est-à-dire le contraire du doute de la pensée et son rapport à l’expérience, le rapport à son propre doute éthique intérieur permettant la différenciation consciente. Les personnages sont plus comparables à des forces surpuissantes, incontrôlables, animales, très définies, impossibles à arrêter qui doivent absolument se cogner les unes contre les autres pour accomplir leurs fonctions, tels des instincts animaux.

Opposée à cette police “Batman”, l’ombre la plus célèbre, est le fameux Joker : clown, arlequin, farceur, blagueur satirique et profondément exagéré au sens sadique de l’humour. (Que d’ailleurs tout le monde adore). Il est le reflet parfait de cet état dynamique opposé à la fixité de Batman : \newline

— Je veux pas te tuer !
— Je ferais quoi sans toi ?
— Me remettre à arnaquer les dealers ?
— Toi, tu me complètes.

Batman étant complètement largué par le coup de maître du trickster, ne trouve rien d’autre dans son arriérée obstination virile, de frapper le joker qui explose de rire, et lâche un magnifique : “Tu n’as rien d’autre que ta force ?”. Le trickster est une forme opposée au bourrin unilatéral qu’est Batman, ce pauvre débris usé de la société des pères, la loi du prêtre… C’est ainsi que comme un coup de grâce d’intelligence (et malheureusement aussi de sadisme inconscient), le trickster lui propose de choisir entre l’amour et la politique, ce triste monarque de Bruce Wayne choisit évidemment, le “bien de tous”, la politique, c’est-à-dire au fond la volonté de puissance et de maitrise créant ainsi un monstre supplémentaire : Double-face (Alors que dans Matrix par exemple, Neo lui fait le choix contraire.)

Tous les ennemis de Batman sont au fond des personnages très peu humains, ils sont plutôt une caricature violente et pulsionnelle d’affects psychiques montrés sous leurs angles les plus négatifs. Ce sont les opposés de la juste justice de Batman.

« Les drames les plus insensés et les plus saisissants, on le sait, ne se déroulent pas au théâtre, mais dans le coeur de bons bourgeois que l’on rencontre sans leur prêter attention et qui, tout au plus, par une débâcle nerveuse, trahissent les combats qui se livrent en eux. Ce que le profane a le plus de difficulté à comprendre, c’est que les malades ne soupçonnent pas le moins du monde que la guerre civile a éclaté dans leur inconscient. Mais quand on sait combien d’êtres humains ne comprennent pas ce qu’ils sont, on ne doit pas trop s’étonner qu’il y en ait aussi qui ne soupçonnent rien de leurs propres conflits. »

Cela devrait interpeller à quel point ce qu’on apelle les “petites humeurs” ont en réalité une valeur très importante, et cela même dans le monde fantastique des super-héros, monde qui peut paraitre à une certaine élite morale “d’enfantin”. Bien entendu cela ne veut rien dire, l’importance de l’imaginaire ainsi que des soi-disant “petites humeurs” ne peut être que confirmée lorsque l’on repense deux secondes à toutes les fusillades qui ont eut lieu en Amérique, notamment celle dénommée “La fusillade d’Aurora” dans la soirée du 19 juillet 2012 par un jeune de homme 24 ans, lorsqu’il a tué douze personnes (et cinquante-huit blessés) pendant la première de Batman The Dark Knighe Rises, il s’était apparemment teint les cheveux et se faisait appeler le Joker.

C’est ainsi que nous en arrivons à la conclusion que les complexes de Batman, et/ou de Gotham ne sont pas intégrés (et donc sont bien des ombres), car Batman leur a déclaré la guerre, ils doivent absolument laisser sa ville tranquille, car il en est le maître du territoire qu’il protège, de cette manière il peut se proclamer le bon berger-gardien qui rassure ses citoyens à coup de moraline politique (Les gentils et les méchants). Une sorte d’arrangement social au fond, pour essayer de se débarrasser de ses démons qui d’une manière bien irrationnelle, nous colleraient à la peau. Gotham comme un mirroir sombre et exagéré d’une certaine société partriarcale dont les ombres et les passions projetées, déchirées, s’éparpillent dans la folie de la ville à travers des hommes qui en deviennent possédés. La société dans son combat de “La loi du Père”, se manifeste par une prise de puissance et de pouvoir qui s’oriente forcément du côté du dogmatisme, c’est-à-dire de faire valoir ses valeurs, et de condamner ceux qui encouragent le terrorisme, c’est-à-dire au fond l’évolution, les révolutions, de la société qui a ses pieds enracinés dans des valeurs devenues caduques, jusqu’à la décadence hivernale du cycle… Le Joker est plutôt direct sur cette problématique : “J’ai l’air d’un gars qui a un plan ? La pègre a des plans. Les flics ont des plans. Gordon a des plans. Ce sont des comploteurs… tentant de contrôler leur univers. Pas moi. Je veux leur montrer combien sont pathétiques leurs tentatives pour tout contrôler.”

Ce qui nous amène au troisième volet, c’est-à-dire Bane, l’ultime terroriste, qui terrorise à coup d’explosif, qui est réellement la quintessence de la révolte, c’est-à-dire le retournement de la société, une ligue orientale s’oppose donc aux États-Unis… Tiens, tiens, cela ne vous rappelle-t-il rien ? On pourrait faire un rapprochement avec certaines histoires rapportées par Julien Assange sur des opération américaines de purification terroristes très, voir trop dirigistes qui ont engendré tout un cycle de chaos et de décadence dans ces groupements terroristes menant petit à petit aux formes d’attentat moderne à l’explosif : “plus rien à perdre même avec trois francs six sous.”

Batman tel un superhéros américain, c’est-à-dire le gardien de la morale chrétienne devenue caduque, l’avait annoncé lui-même, il est le symbole permettant aux masses apeurées de se rassurer dans leurs bêtises à coup de poing et de force, c’est ainsi que se clôt la trilogie américaine parfaite par un acte de sacrifice du héros des héros pour que dans une vie secrète, soit accomplie l’évangile du rêve hollywoodien, vivre d’amour et d’eau fraiche au pays merveilleux des rêves hallucinés de l’écran noir sans que personne ne les dérange, voilà un film qui finit bien, une fin aussi niaise que l’avenir sombre de l’Amérique.



Table des matières

  1. Préface
  2. Introduction : La haine de l'esprit
  3. Eyes Wide Shut ou le vestiaire labyrinthique
  4. Eraserhead ou le paroxisme du nihilisme
  5. Holy Motors : Modernité Duchamps 3000
  6. Nymphomaniac : 2000 ans de culpabilité
  7. Batman contre le bien et le mal.
  8. 2001, l'Odyssée de l'espace ou la maya de narcisse