La Camera Obscura

Préface

J’ai écrit ce petit essai pour essayer, tant bien que mal, de mettre en exergue une problématique bien spécifique dans le domaine artistique. Non pour ce qu’il représente en tant que tel (pris en tant que phénomène isolé et abstrait), mais plutôt pour ce qu’il révèle. Je ne vais donc pas forcément aborder directement cette problématique, mais plutôt arpenter ses contours de manière à dévoiler les phénomènes qui lui sont liés. Cet essai n’a pas été écrit au hasard, il est le fruit d’un long et mature raisonnement rationnel de plus d’une dizaine d’années autour de l’art et de la créativité. Car oui je suis artiste, et je me dois dans mon cheminement de poser des questions d’ordre rationnel sur mon travail, du moins l’époque me l’impose, et d’ailleurs cela me semble essentiel à mon cheminement : qu’est-ce qu’être artiste ? Qu’est-ce que l’art au fond ? Je pose ces questions, car je suis un empiriste qui fait l’expérience de l’art, c’est donc mon devoir de me confronter à ce mystère, en tant qu’être humain qui y est intrinsèquement confronté, questionné face au problème du sens, donc du langage qui est le support fondamental de l’art, malgré le fait qu’il est bien plus que cela.

Le prétexte de cet essai est : le cinéma. On pourrait essayer de le définir comme une sorte de dispositif tout de même assez étrange. En effet, il consiste en un rassemblement de personnes qui se réunissent dans une grande salle presque caverneuse plongée entièrement dans le noir dans laquelle repose une grande surface parfaitement blanche que le spectateur, c’est-à-dire nous, se doit de fixer des yeux statiquement. Dans cette salle se trouve un projecteur caché, situé dans les profondeurs noires de notre dos, d’où lequel est projeté (ou devons-nous dire transféré ?) des rayons de lumière qui au contact de la surface blanche se transforment en images mouvantes. Ces projections dynamiques sont matérialisées dans l’espace physique et matériel du monde, elles entrent directement au contact de notre Psychée via notre sensorialité, nos sens, alors qu’auparavant elles provenaient d’une autre Psychée, celle des scénaristes et du réalisateur qui crée, sculpte, organise le film.

Le cinéma dans son processus de création, d’élaboration est très similaire à un processus psychique de transfert. Il se matérialise dans le monde physique de la matière via l’idée qui guide le projet. Il prend naissance dans le monde psychique pour revenir ensuite dans la Psychée du spectateur par le visionnement. Il est une forme de langage, car pour externaliser l‘“idée”, nous devons faire appel au langage, et donc à la structure et la forme qui y sont intrinsèquement liées. Le sens en tant que tel prend part au système du langage, c’est-à-dire, oriente avec sa question du “comment faire sonner au mieux l’entendement”. Même si le sens n’est en aucun cas lié au pur rationnel. Il faut donc utiliser la forme physique du monde avec les mots et les sons, ou tout simplement l’écriture, c’est-à-dire trouver un support qui pourra faire entendre ces “idées”, faire vibrer, sonner l’entendement, cette racine mère de l’humanité. Bref, je ne pense pas qu’il n’y ait lieu d’aller plus loin dans la comparaison avec un phénomène psychique, on peut le dire assurément, le cinéma est une forme de matérialisation d’un phénomène psychique lié au transfert, ou alors est-ce le langage qui est tout simplement une des formes du transfert ? Il est clair qu’ici nous tombons dans un sujet qui n’a clairement pas été assez exploré. Mon expérience m’a démontré que plus je me penchais sur le sujet, plus le sujet s’élargissait dans des profondeurs et des abysses qui vont de disciplines en disciplines (sujet fortement transdisciplinaire). Le langage est un phénomène extrêmement compliqué, et malheureusement je ne peux dans cet ouvrage que me contenter de le survoler. J’essayerai tant bien que mal d’explorer plus en profondeur ce sujet dans d’autres ouvrages si le temps me l’accorde. Voilà pourquoi je m’arrêterais juste à la libre interprétation de divers films qui m’ont semblés importants.



Table des matières

  1. Préface
  2. Introduction : La haine de l'esprit
  3. Eyes Wide Shut ou le vestiaire labyrinthique
  4. Eraserhead ou le paroxisme du nihilisme
  5. Holy Motors : Modernité Duchamps 3000
  6. Nymphomaniac : 2000 ans de culpabilité
  7. Batman contre le bien et le mal.
  8. 2001, l'Odyssée de l'espace ou la maya de narcisse